Bonjour,
Lorsqu'un logiciel a été créé par une société informatique sur un cahier des charges précis et des idées et projets et aspects de présentation transmis par une personne physique ou morale, attendu que cette personne physique ou morale fournit elle-même l'essentiel du contenu des bases de données, des dossiers et des images que le logiciel va diffuser, attendu que cette personne physique ou morale a rémunéré la totalité des travaux réalisés par la société informatique et attendu que cette personne physique ou morale diffuse elle-même ce logiciel à des utilisateurs dans le cadre d'un programme de formation continue :
Quel est le propriétaire intellectuel de ce logiciel ?
Comment définir ce droit à la propriété intellectuelle ?
En vous remerciant par avance des réponses que vous pourrez m'apporter
Article L111-1 du Code de la Propriété Intellectuelle
Modifié par Loi n°2006-961 du 1 août 2006 - art. 31 JORF 3 août 2006:
L'auteur d'une oeuvre de l'esprit jouit sur cette oeuvre, du seul fait de sa création, d'un droit de propriété incorporelle exclusif et opposable à tous.
Ce droit comporte des attributs d'ordre intellectuel et moral ainsi que des attributs d'ordre patrimonial, qui sont déterminés par les livres Ier et III du présent code.
L'existence ou la conclusion d'un contrat de louage d'ouvrage ou de service par l'auteur d'une oeuvre de l'esprit n'emporte pas dérogation à la jouissance du droit reconnu par le premier alinéa, sous réserve des exceptions prévues par le présent code. Sous les mêmes réserves, il n'est pas non plus dérogé à la jouissance de ce même droit lorsque l'auteur de l'oeuvre de l'esprit est un agent de l'Etat, d'une collectivité territoriale, d'un établissement public à caractère administratif, d'une autorité administrative indépendante dotée de la personnalité morale ou de la Banque de France.
Les dispositions des articles L. 121-7-1 et L. 131-3-1 à L. 131-3-3 ne s'appliquent pas aux agents auteurs d'oeuvres dont la divulgation n'est soumise, en vertu de leur statut ou des règles qui régissent leurs fonctions, à aucun contrôle préalable de l'autorité hiérarchique.
Contrat de Commande:
Arrêt de la Cour d'appel de Paris en date du 9 mai 1985; Annuaire de la Propriété Intellecteulle 1986, page 300:
" Ne saurait prétendre à la qualité d'auteur la personne qui a commandé la fabrication et l'exécution d'une trousse pour un écolier en matière plastique en indiquant que la matière plastique doit être transparente avec l'impression de petits pois."
En matière de logiciel.
Arrêt de la 1ère Chambre Civile de la Cour de Cassation en date du 3 juillet 1996; Dalloz 1996, Informations Rapides, page 193:
" Ayant retenu qu'un auteur avait pris l'initiative de la création d'un logiciel qui devait s'intégrer à un ensemble dont il avait la disposition, afin de permettre la réalisation d'images de synthèse de meilleure qualité et que ce logiciel, à la création duquel l'auteur lui-même à participé car il constituait le développement d'un système dont il avait le droit d'exploitation, ayant été édité, publié et divulgué sous sa direction, une Cour d'Appel peut déduire des ces constatations et énonciations que ce logiciel constitue une oeuvre collective appartenant à l'auteur dès lors que plusieurs personnes sont intervenues dans l'élaboration du produit, dont le rédacteur de la documentation qui faisait partie intégrante du logiciel et que les contributions des coauteurs se sont fondues dans l'ensemble sans qu'il soit possible d'attribuer à chacun un droit distinct.
Revue Trimestrielle Dalloz Commerce. 2005, page. 83
Oeuvre collective. Contrat de commande. Titulaire des droits. Articles L. 111-1, alinéa 3 et L. 113-2, alinéa 3 du CPI
(Paris, 4e ch. A, 20 oct. 2004, SA Arthus Bertrand c/ Editions d'art L. R. (inédit))
Frédéric Pollaud-Dulian, Professeur à l'Université Panthéon-Sorbonne (Paris I)
La société Arthus Bertrand, graveur ayant une importante activité de réalisation de décorations et de médailles, poursuivait la société « Editions d'art L. R. » en contrefaçon, pour avoir reproduit sous forme de porte-clés, la médaille du 1er-11e Régiment de cuirassiers de Carpiagne, médaille sur laquelle elle prétendait être titulaire des droits d'auteur pour l'avoir divulguée et commercialisée. Mais le tribunal de commerce de Paris l'avait déboutée au motif qu'elle ne justifiait pas de ces droits.
En appel la société Arthus Bertrand expliquait qu'elle avait reçu du Régiment de cuirassiers de Carpiagne une commande pour la conception de cette médaille, commande réalisée et facturée, et que le Régiment avait ensuite passé un appel d'offres pour la réalisation de porte-clés à partir d'une maquette qui reproduisait la médaille exécutée par Arthus Bertrand. Et c'est à cet appel d'offres qu'avait répondu avec succès la société Editions d'Art L. R. Il fallait donc vérifier si la société Arthus Bertrand était bien titulaire de droits d'auteur sur la médaille, condition sine qua non de l'action en contrefaçon.
En principe, l'existence d'un contrat de commande n'apporte aucune dérogation à la jouissance du droit d'auteur sur l'oeuvre, comme le dit expressément l'article L. 111-1, alinéa 3 du code de la propriété intellectuelle (Cass. 1re civ., 16 mars 2004, Bull. civ. I, n° 89, p. 72, RIDA juill. 2004, p. 255 ; Cass. 1re civ., 24 oct. 2000, Bull. civ. I, n° 267, p. 173). Cette règle fondamentale est la même que celle qui protège le créateur salarié : l'auteur d'une oeuvre de commande est titulaire des droits sur son oeuvre, peu important les conditions de création, et le commanditaire qui souhaite acquérir ces droits, doit conclure un contrat de cession conforme aux dispositions du code de la propriété intellectuelle avec l'auteur. Toutefois, en ce qui concerne les créations de salariés, la qualification et le régime de l'oeuvre collective peuvent perturber cette construction, puisque l'éditeur d'une oeuvre collective se trouve alors investiab initio de tous les droits sur l'oeuvre réalisée par ses salariés. Le présent arrêt illustre le même phénomène dans le cas d'une oeuvre de commande : la qualification d'oeuvre collective est alors mise à profit pour attribuer tous les droitsab initio au commanditaire.
En l'espèce, les juges du fond vont qualifier l'oeuvre, d'oeuvre collective et considérer que le commanditaire était le titulaire des droits. Pour cela, ils constatent d'abord que l'initiative et le contrôle de la création revenaient au commanditaire, le foyer du Régiment de Carpiagne : la demande initiale de conception de la médaille comportait des spécifications très précises relatives à la forme même (« texte haut : 1er-11e Régiment de cuirassiers ; texte bas : Carpiagne ; logo sur un fond de fleurs de lys (point trop n'en faut) ; au centre le soleil du 11e RC ; à gauche la tour du 1er RC ; sur la droite en plus gros le casque de cuirassier ; en bas la silhouette de char de l'insigne ; tout ceci en modèle relief plat pour le soleil et tour en et en 3D pour tout ce qui est RC80 »). Ces spécifications laissaient tout de même une part de liberté créative. Après réception du projet de maquette adressé par Arthus Bertrand, le chef d'escadron du Régiment fit opérer des modifications et c'est le projet modifié qui fut agréé. La Cour de Versailles en conclut « qu'il résulte de l'ensemble de ces faits, des courriers échangés, que la médaille (...) a été créée à la seule initiative du foyer du 1er-11e Régiment des cuirassiers de Carpiagne ; que la société Arthus Bertrand n'a fait qu'exécuter strictement la commande de ce foyer, fabriquer les quantités demandées, sans pouvoir librement en éditer de nouveaux exemplaires ou en vendre à d'autres clients ». Par ailleurs, la Cour constate que la médaille n'est pas divulguée sous le nom d'Arthus Bertrand mais sous celui des cuirassiers de Carpiagne : « en effet, contrairement à l'usage, cette société n'a pas fait figurer son nom sur la médaille en présence ; si elle a apposé son poinçon, celui-ci ne constitue que la marque du fabricant et ne vaut pas signature ». Elle en conclut que la société ne peut invoquer de droits sur l'oeuvre collective et que son action est mal fondée.
Que penser de cette décision, où les deux adversaires se veulent titulaires de droits sur une oeuvre prétendument collective ? On aurait pu envisager de soutenir que l'oeuvre était la seule création du foyer et que le graveur de médailles n'était intervenu que comme prestataire technique ou manufacturier pour la reproduire, mais tel n'était pas le cas, puisque le graveur avait eu commande de la conception même de la médaille et conservé une part de liberté créatrice (rappr. Paris 19 déc. 1962,Crommelynck, Dalloz, 1963. 609, obs. A. Françon et notre traité, n° 133, 187 et 902), de sorte qu'il était bien difficile de lui dénier toute part créatrice et donc la titularité des droits intellectuels sur le fondement de l'article L. 111-1, alinéa 3 en l'absence de cession de ceux-ci : c'est sans doute ce qui explique le déplacement du débat sur le terrain de l'oeuvre collective. Mais l'analyse opérée est-elle juste ?
L'arrêt se contente de deux critères pour qualifier l'oeuvre de collective et en attribuer la propriété au commanditaire : l'initiative et un certain contrôle, d'une part ; le fait qu'elle est divulguée sous le nom du client. Certes, ce sont des éléments qui entrent bien dans la définition de l'oeuvre collective posée par l'article L. 113-2, alinéa 3 mais est-ce suffisant ? A bien y réfléchir, se satisfaire de ces deux éléments revient à vider de toute substance l'article L. 111-1, alinéa 3 qui dispose que « l'existence ou la conclusion d'un contrat de louage d'ouvrage ou de service par l'auteur d'une oeuvre de l'esprit n'emporte aucune dérogation à la jouissance du droit de propriété intellectuelle », car dans toute hypothèse d'oeuvre de commande, le commanditaire qui est à l'initiative de la création, dispose d'un pouvoir d'agrément sur l'oeuvre, donc d'un certain contrôle, d'une part, et, d'autre part, la nature de l'oeuvre en question - la médaille emblématique d'un régiment - explique que le nom du graveur n'y figure que sous forme de poinçon et que figure en bonne place le nom du Régiment, élément du sujet même de l'oeuvre. Quant à l'absence de commercialisation auprès d'autres clients, elle n'a aucune incidence sur la qualification de l'oeuvre. Surtout, les autres critères de l'oeuvre collective font défaut.
La Cour de Versailles omet deux conditions. Pour qu'il y ait oeuvre « collective », il faut que plusieurs personnes aient participé à son élaboration pour le compte et sous la direction de l'« éditeur » ou, si l'on préfère, du promoteur ou maître d'oeuvre : l'article L. 113-2, alinéa 3 vise la fusion des contributions « des divers auteurs participant à son élaboration » (V. sur ce point, notre ouvrage, Le droit d'auteur, n° 377). Mais ici, le foyer du Régiment de cuirassiers, s'il a pris l'initiative de la création, s'est adressé à une société indépendante et n'a eu affaire qu'à un seul interlocuteur, qu'à une seule entité créatrice. En revanche, la société, elle, a peut-être (l'arrêt, et pour cause, ne s'interroge à aucun moment sur le point de savoir quelle personne physique a effectivement créé la médaille) fait oeuvrer plusieurs de ses salariés sur cette commande, à l'égard desquels, c'est elle qui avait initiative et contrôle au sens de l'article L. 113-2, alinéa 3. Si la société Arthus Bertrand est considérée comme l'auteur de la médaille à l'initiative du Régiment, la qualification d'oeuvre collective est exclue, puisqu'il n'y a pas pluralité ou « collectivité », de contributeurs. On comprend alors pourquoi la Cour fait totalement l'impasse sur l'autre condition essentielle à la qualification d'oeuvre collective : selon l'article L. 113-2, alinéa 3, « est dite collective, l'oeuvre (...) dans laquelle la contribution personnelle des différents auteurs se fond dans l'ensemble en vue duquel elle est conçue, sans qu'il soit possible d'attribuer à chacun d'eux un droit distinct sur l'ensemble réalisé » (rappr. dans une hypothèse similaire : Cass. 1re civ., 17 mai 1978, Bull. civ. I, n° 193, Dalloz, 1978. 661, obs. Desbois ; RIDA janv. 1979, p. 159, RTD com. 1978. 108, obs. Desbois). C'est ici l'absence de coopération, d'esprit commun et de contrôle mutuel (H. Desbois, Le droit d'auteur en France, 3e éd., n° 171 ; C. Colombet, Propriété littéraire et artistique, 9e éd., n° 120), l'impossibilité de qualifier l'oeuvre, d'oeuvre de collaboration, qui doivent être recherchés.
Il en résulte, à notre avis et compte tenu des éléments de fait donnés par l'arrêt, que la médaille était certes la commande du foyer du Régiment mais que la création était le fait de la société Arthus Bertrand et qu'en application de l'article L. 111-3, alinéa 3 et à défaut d'une cession des droits d'auteur au foyer du régiment, cette société devait être titulaire des droits sur cette oeuvre, soit que ces droits lui aient été cédés par le ou les salariés qui l'avaient créée, soit qu'elle ait pu être qualifiée d'oeuvre collective dans le rapport entre la société et les salariés contributeurs. Quoi qu'il en soit, et sans revenir sur les critiques fondamentales que l'on peut et doit adresser à la notion même d'oeuvre collective, la solution de l'arrêt est juridiquement mal fondée (dans le même sens, les obs. de A. Lucas, Propr. intell., janv. 2005, p. 50), d'abord parce qu'elle applique la qualification d'oeuvre collective à mauvais escient et sans vérifier toutes ses conditions, ensuite parce qu'elle en étend le champ à l'excès en la rendant applicable à pratiquement toute oeuvre de commande, alors même que cette qualification d'exception, « anomalie » du système français et conçue pour des cas très particuliers (dictionnaires et encyclopédies), devrait être interprétée étroitement (Desbois, traité préc., n° 124, 166 et 173 ; A. et H.-J. Lucas, traité préc., n° 206 ; notre traité préc., n° 366 et s.), et enfin parce qu'elle viole l'article L. 111-1, alinéa 3 qui est pourtant l'une des dispositions essentielles du code de la propriété intellectuelle.
Mots clés :
PROPRIETE LITTERAIRE ET ARTISTIQUE * Droit d'auteur * Oeuvre collective * Contrat de commande
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Il y a deux choses auxquelles il faut se faire sous peine de trouver la vie insupportable: ce sont les injures du temps et les injustices des hommes.
Chamfort
En principe, la présence d'un contrat de commande ne suffit pas à transférer les droits de PI à défaut de clause de cession, mais dans le cas décrit ci-dessus il faut faire attention à la présomption de propriété des droits attachée à celui sous le nom duquel l'oeuvre est diffusée...