Saisie conservatoire italie

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dgo

Bonjour, je suis VRP salarié représentant multicartes de firmes étrangères. Une de mes entreprises a cessé son activité au 09/01/15. Elle me doit 6 mois de salaires en commissions. Un mandataire sera nommé par le Tribunal le 22/01. Il n'y a pas encore de convention, de liquidation ou de faillite, rien pour le moment mais ça ne saurait tarder. J'ai lancé une vingtaine de saisies conservatoires vers 20 de mes clients qui n'avaient pas encore fini de régler leur facture en cours. Ces procédures sont en cours. Cela peut me permettre de bloquer cet argent en France à titre préventif. Mais quel est mon ultime délai ?
Les saisies passent par un juge, puis un huissier qui doit faire exécuter l'ordonnance, etc, ... Quel est le dernier moment où la saisie devient vraiment applicable sans aucun rejet possible ? Est-elle encore exécutable et applicable après le dépôt de bilan ? Ou se trouve le point de non-retour ? merci beaucoup

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Bonjour,

Si je comprends bien, vous êtes un VRP salarié, dont le contrat de travail ne mentionne une rémunération que sous la forme de "commissions" uniquement ?

La société qui a "cessé son activité" et qui vous embauche en tant que VRP est une société française ou étrangère ?

Savez-vous quel type de procédure collective sera ouverte contre cette entreprise ? Sauvegarde, redressement ou liquidation ?

Lorsque vous dites que vous avez lancé une vingtaine de saisies sur "vos clients", ce sont tous des clients de la société qui vous embauche et qui est actuellement en cessation d'activité ?

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Sous toutes réserves.
Cordialement.


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dgo

Bonjour,
merci de votre sollicitude, voici mes précisions :
- rémunération uniquement commissions
- la société est italienne, n'a pas de siège social en France et m'a bien embauché en tant que VRP
- il n'y a pas encore de procédure ouverte mais je crois deviner que ce sera la liquidation à 80%
- les clients sont des détaillants indépendants répartis dans diverses villes françaises, il sont clients réguliers ou occasionnels de la société actuellement en cessation d'activité et ces clients ont accepté le fait que la somme d'argent qu'ils doivent encore à cette société fasse l'objet d'une saisie conservatoire afin de me rendre service. Pour l'instant, un seul d'entre eux a reçu la visite de l'huissier, les autres suivront ces jours-ci.
Cordialement,

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Savez-vous si ce sont les juridictions françaises qui vont se prononcer sur l'ouverture de la procédure ou est-ce une juridiction italienne ?

Selon vos précisions, je constate que nous sommes face à un problème de procédure collective transnationale.

Pour qu'une procédure collective française (sauvegarde, redressement ou liquidation) soit effectivement ouverte en France, comme vous semblez l'indiquer, la société italienne doit forcément disposer d'un établissement en France.

Dans le cas contraire, je doute que les tribunaux de commerce français se déclarent compétents pour traiter de ce problème si la société italienne ne dispose d'aucun établissement en France...

Par ailleurs, une procédure collective française qui serait ouverte à l'égard de l'établissement de cette société italienne ne pourrait concerner que les biens de cet établissement en France (et non pas ceux situés en Italie).

Si une procédure collective est ouverte par les juridictions italiennes (procédure de "Fallimento", "Concordato preventivo", "Liquidazione coatta amministrativa", "Amministrazione straordinaria" ou "Amministrazione controllata"), il faudra alors se conformer aux règles du droit italien.


En conséquence, pour répondre à vos questions :


"Les saisies passent par un juge, puis un huissier qui doit faire exécuter l'ordonnance, etc, ... Quel est le dernier moment où la saisie devient vraiment applicable sans aucun rejet possible ?"


- Etape 1 : Si vous ne disposez pas d'un jugement condamnant vos clients à payer ou d'un autre titre (tels que décision de justice non encore exécutoire, lettre de change acceptée, billet à ordre ou chèque), vous êtes effectivement obliger de saisir le Juge de l'exécution (aussi appelé "JEX") aux fins qu'il vous autorise à procéder aux saisies conservatoires sur le patrimoine de vos clients.

Ces saisies devront être mises en oeuvre par un huissier dans un délai de trois mois à partir de la date de l'ordonnance rendue par le JEX.

A ce stade, les sommes qui vous sont dues sont rendues indisponibles, en quelque sorte "paralysées", le temps que vous obteniez un jugement contre vos clients.

Néanmoins, sachez que vos clients peuvent contester les saisies-conservatoires. C'est à vous de prouver que les sommes demandées sont justifiées.

- Etape 2 : Vous devrez assigner vos clients en justice pour faire constater leur dette dans le mois suivant l'exécution de la saisie conservatoire par l'huissier. Dans le cas contraire, votre saisie-conservatoire ne sera plus valable.

Si vous obtenez un jugement de condamnation contre l'un de vos clients, vous pourrez alors faire procéder à des saisies-attribution (pour obtenir le paiement de vos créances sur ses comptes bancaires) ou alors procéder à la vente forcée de ses biens selon les règles de la saisie-vente.




NEANMOINS je ne comprends pas quel est l'intérêt de procéder à des saisies conservatoires sur vos clients si ce ne sont pas eux qui sont concernées par la possible insolvabilité... Avez-vous été assisté et conseillé dans ces démarches ? Est-ce un huissier ou un avocat qui vous a conseillé de faire cela ?

Les saisies conservatoires n'ont d'intérêt que si le recouvrement des créances de la société italienne (que vous représentez en tant que VRP) est menacé...

Si ce sont vos commissions que vous souhaitiez protéger, c'est la société italienne (donc votre employeur) qu'il fallait saisir dès lors que ces commissions sont dues en vertu du contrat de travail...
La personne qui vous doit ces commissions est votre employeur, pas les clients de votre employeur italien.

Par ailleurs, si le droit à ces commissions ne naît qu'à compter d'un paiement effectif des commandes par les clients, votre créance de "commissions" ne deviendrait exigible qu'à ce moment précis (donc il faut vérifier ce qui est stipulé dans votre contrat de travail).

Autre problème : votre contrat de travail est un contrat soumis au droit français ou italien ?

J'ajoute qu'en présence d'une procédure collective sur la tête de votre employeur italien, le sort de ces commissions serait déterminé par la loi applicable à la procédure ouverte (est-ce une procédure française qui sera ouverte ? ou une procédure italienne ?).





"Est-elle [la saisie conservatoire] encore exécutable et applicable après le dépôt de bilan ? Ou se trouve le point de non-retour ?"


1) En France, l’ouverture d'une procédure collective (sauvegarde, redressement ou liquidation judiciaire) sur la tête de l'un de vos clients (et non sur la tête de votre employeur) aurait pour effet d'empêcher toute action en justice contre ces clients pour obtenir le paiement d'une somme d'argent, ainsi que d'empêcher toute mesure d'exécution sur ses biens, c'est-à-dire des saisies.

Dès lors, si aucune saisie de l'étape 2 (saisie-vente ou saisie-attribution) n'est arrivée à son terme et n'a produit ses effets, votre employeur ne pourra plus les réaliser. Il devra déclarer sa créance auprès du mandataire judiciaire ou liquidateur désigné dans la procédure collective du client.

2) En revanche, si c'est seulement votre employeur qui tombe en procédure collective, les saisies de l'étape 2 ne sauraient être remises en cause dès lors qu'elles auront produit effets.

En tout état de cause, c'est l'Administrateur/Liquidateur judiciaire français ou le "Curatore" italien qui s'occupera de recouvrer ces créances dues par vos clients.

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Sous toutes réserves.
Cordialement.


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dgo

Un grand merci pour votre longue réponse.
Cependant, je comprends que je n'ai pas été assez clair :
- en tant que salarié VRP j'ai saisi le Conseil des Prudhommes d'Angers (49) en même temps que les 20 requêtes de saisies étaient expédiées aux différents juges (compétence territoriales). J'ai adressé au CPH ma créance complète (commissions + diverses indemnités de droit), ainsi que mon contrat et autres éléments divers. Le CPH a convoqué mon usine en Italie à une audience sur Angers pour le 11 mars prochain.
- l'usine est italienne et n'a pas de siège social en France, la procédure sera nécessaire sous juridiction italienne.
- pour revenir aux saisies conservatoires, certes, comme vous dites justement, mes clients ne sont pas directement concernés par une insolvabilité mais les juges ont bien compris la situation (10 sur 20 pour le moment): devant l'urgence et le risque que l'usine italienne ne dépose le bilan et soit donc alors dans l'impossibilité de me payer, les juges jouent la prévoyance et demandent a mes clients de ne pas payer l'usine provisoirement en attendant qu'un jugement me soit favorable. Ainsi l'argent reste en France et si tout se passe bien, il pourra m’être transféré. A ce jour, 5 clients ont accepté la saisie que l'huissier leur a présenté.
- si prochainement (disons dans 5-6 jours) l'usine est déclarée en liquidation judiciaire par le Tribunal italien, le CPH devra représenter à nouveau (je pense) ma créance au liquidateur nommé et fixer une nouvelle audience.
- mais, et c'est justement ma question principale du départ : Quel est le dernier moment où la saisie devient vraiment applicable sans aucun rejet possible ? Est-elle encore exécutable et applicable après le dépôt de bilan ? Ou se trouve le point de non-retour ?

J'ai compris ceci : l'usine n'a plus d'argent, quand l'état ou les organismes d'état auront pris leur part car ils sont prioritaires, il n'y aura plus d'argent pour moi. D'où mon intérêt préventif a en bloquer le maximum en France, dans l'attente de mon jugement définitif sur le bien fondé de ma créance (ce dont je ne doute pas, l'ayant déjà vécu).

Merci beaucoup

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Bonjour,
les juges jouent la prévoyance et demandent a mes clients de ne pas payer l'usine provisoirement en attendant qu'un jugement me soit favorable
Là j'ai de gros doutes sur l'interprétation de votre qualité.
Il y a manifestement une confusion au niveau de votre statut exact, que vous pensez salarié, mais qui en réalité est celui d'un indépendant.
En effet en tant que salarié dans le cadre d'une controverse avec l'employeur vous n'avez aucun moyen de saisir une quelconque créance chez les clients de votre employeur.
Votre choix du CPH d'Angers est largement discutable.

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Amicalement
De toutes façons je suis ataraxique.


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-> Quel est le dernier moment où la saisie devient vraiment applicable sans aucun rejet possible ?
Réponse : Uniquement lorsque la saisie conservatoire est convertie en saisie-attribution. Mais cela suppose d'obtenir préalablement un jugement passé en force de chose jugée (c'est-à-dire que le délai d'appel devra être écoulé et que le jugement ait été signifié). Ce qui, pour le moment, n'apparaît pas être le cas...

-> Est-elle encore exécutable et applicable après le dépôt de bilan ?
Réponse : Le "dépôt de bilan" de la société italienne est soumis au droit italien (voir texte de loi intitulé "Disciplina del fallimento, del concordato preventivo, dell'administrazione controllata e della liquidazione coatta administrativa"). Dès lors, il faut voir quel sort réserve le droit italien aux effets des saisies-conservatoires étrangères et cela ne rentre pas dans mes compétences linguistiques...

Toutefois, à la lecture de quelques articles sur le sujet, il me semble que le sort réservé par le droit italien est très similaire au sort réservé par le droit français, c'est-à-dire que les saisies n'ont aucune valeur tant qu'elles n'ont pas produit un "effet attributif" (la saisie-vente ou la saisie-attribution par exemple possède cet effet en droit français - pas les saisies-conservatoires).

-> Où se trouve le point de non-retour ?

Réponse : Le jour de l'ouverture de la procédure de "dépot de bilan" je suppose. Mais tout dépend, là encore, de ce que prévoit le droit italien, que je ne connais pas dans ses détails.

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Sous toutes réserves.
Cordialement.


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dgo

Vos réponses sont vraiment très claires et je vous en remercie. Ultimes demandes s'il en est :
- si un contact sur place me dit : "la faillite est prononcée", comment puis-je obtenir un document officiel de cet état de fait ?
- quand vous dites "le jour" de l'ouverture de la procédure de dépôt de bilan, ce jour là signifie t'il le jour même du dépôt de bilan ou est-ce un jour ultérieur au dépôt de bilan ?
- enfin, qui prononce le dépôt de bilan ? un juge, le mandataire désigné ou le patron de l'usine ?
Merci pour tout

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Bonsoir,
enfin, qui prononce le dépôt de bilan
L'entrepreneur face à des difficultés de trésorerie dépose le bilan auprès du tribunal de commerce.
Celui-ci nomme un juge commissaire ainsi qu'un mandataire social.
Ensuite un jugement est prononcé ultérieurement ou simultanément débouchant sur une période d'observation en vue du redressement ou de la cession du fonds, un concordat auprès des créanciers...
Mais c'est toujours un tribunal qui est maitre d'œuvre dans les procédures collectives.

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Amicalement
De toutes façons je suis ataraxique.


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Bonsoir,

- si un contact sur place me dit : "la faillite est prononcée", comment puis-je obtenir un document officiel de cet état de fait ?

La déclaration d'insolvabilité (dichiarazione di fallimento) est publiée selon l'article 133 du Code de procédure civile italien ; c'est-à-dire publiée au greffe (cancelleria) du tribunal des faillites. Vous pouvez donc, je suppose, demander une copie de cette publication directement auprès du greffe italien, si vous savez écrire italien.

Je pense que vous pourrez également voir ces informations ici : http://www.infocamere.it.

- quand vous dites "le jour" de l'ouverture de la procédure de dépôt de bilan, ce jour là signifie t'il le jour même du dépôt de bilan ou est-ce un jour ultérieur au dépôt de bilan ?

C'est le jour de la publication de la déclaration d'insolvabilité ci-dessus mentionnée. Cette déclaration produit ses effets à l'égard de tous (clients, fournisseurs, banques, etc) à cette date.

- enfin, qui prononce le dépôt de bilan ? un juge, le mandataire désigné ou le patron de l'usine ?

C'est le Tribunal des faillites (Tribunale fallimentare) du lieu où la société a son siège principal. C'est cette juridiction qui procède à la déclaration de l'insolvabilité. Ce tribunal désigne alors les principaux organes que sont le juge-délégué (Giudice delegato), le curateur (Curatore) et le comité des créanciers (Comitato dei creditori).

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Sous toutes réserves.
Cordialement.